Cultiver des céréales pérennes pour la production combinée  grains-fourrages et la fourniture de services écosystémiques – Evaluation d’alternatives agroécologiques pour l’agriculture céréalière en France

Le besoin de diversifier les systèmes céréaliers doit répondre à la double exigence d’une plus grande résilience face aux aléas climatiques et écologiques et d’un maintien de la rentabilité économique des exploitations. Les céréales pérennes peuvent contribuer à la diversification des systèmes de productions en permettant (1) la combinaison des fonctions de production de grains et de fourrages et (2) l’obtention de services écologiques majeurs (protection/amélioration de la fertilité des sols, amélioration de l’utilisation des ressources minérales et hydriques, maitrise des adventices).

Les cultures annuelles alloue une partie importante de leurs photosynthétats pour la reproduction alors que les plantes pérennes, productives plusieurs années consécutives, utilisent une partie de leurs ressources pour des fonctions de persistance et de survie. Alors que ce comportement se traduit généralement par un développement plus important de l’appareil végétatif et racinaire, la production de grains est davantage dépendante de l’allocation des ressources assimilées par la plante pour la fonction de reproduction.  Ce projet vise l’analyse du fonctionnement des céréales pérennes pour la production combinée  de grains et de fourrage et d’autres services écologiques associés.

Le test en plein champs de différents cultivars les plus prometteurs permettra de juger des conditions de développement dans une large gamme de conditions pédologiques, agronomiques et climatiques Les conditions de nutrition azotée et de récolte des céréales pérennes seront particulièrement étudiées. Cette approche a pour objectif d’évaluer l’intérêt des céréales pérennes en termes de productivité et de fourniture de services écologiques à moyen terme (protection du sol, augmentation de la fertilité et maitrise des adventices). La finalité est, à terme, de définir plusieurs critères pour sélectionner un matériel et un mode de gestion adapté aux contextes climatiques et agricoles français.

Les résultats de la thèse 

Les premières initiatives à l’origine des travaux sur les céréales vivaces s’accompagnent d’un idéal en rupture avec la conception des agroécosystèmes promue par la Révolution Verte. Dans cet idéal, les céréales vivaces seraient une clé dans la conception de systèmes agricoles entièrement basés sur les fonctionnements naturels des écosystèmes, plutôt que sur leur artificialisation.

Les performances actuelles de ces céréales vivaces placent cet idéal encore loin et le manque de références techniques sur le sujet laisse la place à de nombreuses projections dont les prérequis sont encore à construire. Le travail de thèse qui a été fait ces trois dernières années a permis de fournir la première évaluation d’une céréale vivace, Th. intermedium, cultivée suivant un modèle de prairie temporaire dans des contextes d’Europe occidentale.

Ce travail a montré que la culture de Th. intermedium offre un levier très important de diversification répondant aux attentes de la transition agroécologique. En particulier, cette thèse met en avant les possibilités d’amélioration des processus écologiques pour la protection et la régulation des ressources abiotiques, tout en proposant des fonctions de production (grain-fourrage) capable d’intégrer plusieurs voies de valorisation et privilégiant la résilience du système.

L’évaluation du rôle de cette diversification et des services écosystémiques fournis est néanmoins bien en deçà des attentes sociétales globales quant à la compréhension et au pilotage de ces services comme levier d’action. Malgré cela, l’utilisation de Th. intermedium dans le cadre de la conception de systèmes innovants pourrait être localement une grande réussite sous l’impulsion de démarches de valorisation locale ou contractuelle, et permettant la structuration de noyaux d’innovation indispensables au transfert de nouvelles pratiques dans le modèle agricole dominant.

D’une manière générale, l’étude de Th. intermedium est un exemple intéressant du défi posé à l’agronomie. Comme ceci a pu être identifié dans d’autres thématiques, un challenge pour la gestion agroécologique des systèmes de culture consiste à faire discuter les apports de l’écologie évolutive et fonctionnelle, avec les progrès réalisés dans la compréhension et la modélisation des interactions sol-plante-air.

En partant à la recherche de traits « perdus » pour les systèmes de grandes cultures, la sélection et l’utilisation de céréale vivace telle que Th. intermedium est un bon avant-goût de l’importance (et de la témérité) de ces questions.

Aujourd’hui, à la suite de cette thèse, de nouveaux projets de recherches ambitieux ont vu le jour sur les céréales vivaces, et l’expansion du réseau d’agriculteurs qui testent et observent ces cultures partout en France est déjà une très grande réussite !